Mali : Le Centre N’domo, pilier de l’art textile respectueux de l’écologie

Article : Mali : Le Centre N’domo, pilier de l’art textile respectueux de l’écologie
Crédit: Moi-même
4 août 2023

Mali : Le Centre N’domo, pilier de l’art textile respectueux de l’écologie

Célèbre pour son tissu vedette, le bogolan, le centre N’domo est une plaque tournante dans la fabrication et la vente de tissus écologiques à base de teinture naturelle.

Il est 10 heures au Centre N’domo, situé dans la commune rurale de Pélengana, à seulement 5 kilomètres de Ségou. Construit à partir de bambou et de banco rouge, le N’domo joue un rôle prépondérant dans l’initiation des jeunes en milieu bamanan. situant dans les limites d’âge de 15 et 25 ans pour les garçons. Ici, l’activité principale est la confection et la vente de produits artisanaux locaux, en particulier le tissu traditionnel bogolan, dont la réputation a dépassé les frontières maliennes. Lors de notre visite en juillet 2023, nous y avons rencontré un groupe de jeunes travaillant avec diligence, courbés sur d’épais tissus, y appliquant des idéogrammes, ou bien occupés à tremper et laver les étoffes.

Image Centre N’Domo

Assis sous le préau, sept jeunes hommes appliquent de l’argile sur des tissus. Un peu plus loin, M. Coulibaly peint un pagne avec délicatesse.  « Au centre, pour la création des motifs, nous traçons de l’argile provenant du fleuve sur les tissus traditionnels à l’aide de pinceaux et pipettes », explique-t-il, les yeux rivés sur le tissu. C’est une tâche minutieuse. Chaque symbole est un message inspiré de la nature ou du quotidien.

Crédit Photo: Iwaria

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Juste en face, des femmes s’affairent à asperger les tissus d’argile, tandis que d’autres font bouillir des plantes. Pendant ce temps, des pièces de bogolan imbibé sont disposées au sol. Attirés par leur beauté, des acheteurs négocient les prix, tandis que des curieux venus en visite admirent à la fois l’architecture majestueuse du centre et la beauté des produits proposés.

Recyclage et innocuité

Un homme inspecte les lieux. C’est un rituel selon nos interlocuteurs. Il répond au nom de Boubacar Doumbia, le directeur du centre. Chaque matin, il fait le tour de l’établissement où pas moins de 47 jeunes apprennent les techniques de la teinture végétale. De plus, 20 personnes, dont 4 femmes, travaillent au centre N’domo.

La spécialité du N’domo réside dans la teinture végétale, une méthode durable qui préserve l’environnement et l’écosystème environnant. Sur le site, un espace spécialement aménagé est dédié à la teinture et au recyclage des déchets. Rien ne se perd dans cet atelier. Tous les matériaux employés dans la fabrication du bogolan sont réutilisés, insiste le premier responsable qui met en avant l’innocuité des plantes utilisées.

Les principales plantes employées sont le N’galama (Anogeissus leïocarpa) et le Mpeku, les écorces du raisin sauvage. Selon notre interlocuteur, ces deux plantes n’ont aucun impact négatif sur la nature. Même son de cloche chez Dembélé Aminata Keïta, l’une des fabricantes du bogolan au Centre N’domo. Elle confirme que tout au N’domo est naturel et recyclé, depuis le savon jusqu’aux plantes, en passant par l’eau. Les feuilles sont décomposées et utilisées comme engrais organiques, tandis que les écorces séchées servent de combustibles.

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Qu’en est-il sur le plan sanitaire ? Selon le Dr Zeïna Diallo, dermatologue à l’hôpital Nianankoro Fomba de Ségou, les plantes utilisées dans la fabrication ont des proporiétés antiseptiques utiles pour soigner les plaies et les infections. Pour cette spécialiste, le bogolan trempé dans la teinture végétale n’a aucune incidence sur la peau. Toutefois, prévient-elle, certains additifs tels que l’eau de javel ou la soude peuvent souvent irriter la peau.

Protection de l’environnement

Le processus de fabrication du bogolan nécessite une grande quantité d’eau. La consommation quotidienne au Centre N’domo s’élève à plus de 1 000 litres. Il est donc nécessaire d’avoir un système adéquat de traitement des eaux usées. Les responsables du centre ont ainsi creusé deux fosses. La première est dédiée à la séparation de l’argile, tandis que la seconde, composée de charbon et de sable, filtre l’eau. Une partie de l’eau est utilisée pour l’arrosage des plantes du site, tandis que l’autre partie est versée dans une grande fosse contenant des nénuphars. Cette eau ne se déverse pas dans le fleuve Niger, qui traverse la ville.

« Ces nénuphars permettent de contrôler la qualité de l’eau. S’ils vivent, c’est que l’eau qui s’y trouve n’est pas polluée, par contre s’ils meurent, c’est qu’elle est polluée », affirme Boubacar Doumbia. Il ajoute qu’il y a quelques années, les services d’assainissement ont contrôlé la qualité de l’eau et leur expertise a conclu qu’elle ne présente aucun danger pour l’environnement ni pour la santé humaine.

Mariam Diarra, une habitante de Pélengana, loue les efforts du Centre N’domo en matière de préservation de l’environnement. « J’habite ici depuis des années. Personne ne s’est jamais plaint de leur travail contrairement à d’autres personnes qui font de la teinture. Ils recyclent tous les déchets restants. Nous n’absorbons pas de gaz qui gêne. Au contraire, nous profitons, car nos enfants pêchent les poissons dans la grande fosse grâce aux eaux non toxiques qui coulent dans ce ravin.  Et des femmes s’en servent pour arroser leurs jardins », témoigne-t-elle.

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