Santé sexuelle et reproductive : briser les tabous pour que les femmes s’épanouissent

Article : Santé sexuelle et reproductive : briser les tabous pour que les femmes s’épanouissent
Crédit: Iwaria
7 janvier 2022

Santé sexuelle et reproductive : briser les tabous pour que les femmes s’épanouissent

Trois femmes travaillant sur l'ordinateur
Image : Iwaria

Les questions liées à la santé sexuelle et reproduction ne sont plus taboues. Cependant, nous observons quelques changements au sein de la société d’après les constats remarqués.

« J’ai été excisée et suis consciente des conséquence néfastes. L’excision pourrait par exemple entraîner de graves complications lors de l’accouchement ». Ainsi parle Aminata Coulibaly, aujourd’hui une femme au foyer qui a subi l’excision.

Elle discute avec ses filles pour entretenir les souvenirs un rien douloureux de cette pratique, qu’elle garde comme une relique, profitant souvent des rares moments de retrouvaille pour les sensibiliser à ces conséquences. « J’en ai été victime et je ne souhaite pas que leurs filles subissent le même sort que moi », ajoute-t-elle en plein échange avec sa première fille. Elle insiste : toutes questions liées à la femme, surtout au corps doivent être au cœur des causeries entre mère et enfant.

La santé sexuelle reproductive est source de pressions sociales sur les femmes, alors qu’elles ont le droit d’avoir accès à des informations sur ces questions.

Sujet jadis difficile à aborder dans les familles ou communautés, la santé sexuelle et reproductive a cessé d’être taboue selon l’étudiante Fatim Diarra : « Ma famille me conseillait sur ces pratiques, confie-t-elle. J’exhorte alors tous les parents à aborder ces sujets avec leurs enfants pour leur bien-être ».

Briser le tabou pour une grande connaissance

Pour Boucoum Aïssata Boucoum, coordinatrice de l’association Citoyenneté-ELLES : « Il est difficile d’en parler à cause du tabou ou encore de la tradition sur la sexualité dans nos familles, entre membres d’une même famille ». Mais, à grâce à l’instruction et à  son travail dans les ONG militant en faveur de l’abandon de l’excision, Boucoum Aïssata Boucoum a pu convaincre sa mère d’arrêter d’exciser ses sœurs en raison des conséquences.

« Nous devons vraiment dépasser ce stade au regard de toutes les actions de sensibilisation menées pour briser le tabou pour une grande connaissance de ces questions », estime-t-elle.

Aminata Diarra, présidente d’une association féminine qui œuvre pour la promotion des droits sexuels et reproductifs, témoigne que parler de certains sujets dont l’excision, la planification familiale ou tout autre sujet lié aux corps de la femme n’est pas vu d’un bon œil dans certaines localités .

« Lorsque je menais avec les membres de mon association la lutte contre l’excision et la sensibilisation à l’adoption des méthodes contraceptives pour le bien-être de la femme et celui de l’enfant au sein de la communauté, ça n’a pas été facile, explique-t-elle.  Mais avec le dévouement et la persistance beaucoup de femmes ont compris et abandonné la pratique de l’excision. Elles ont assimilé le bienfait de la planification familiale pour leur épanouissement ».

 « Les sujets liés au corps de la femme deviennent de nos jours de moins en moins tabous. Des  mutations sont en cours », analyse le sociologue Souleymane Kamissoko.

Il ajoute que l’éducation des jeunes est le meilleur moyen pour avoir des  résultats. Il convient alors de miser dessus en matière de santé sexuelle et reproductive.

Les enfants d’aujourd’hui sont les adultes de demain

La loi sur la santé de la reproduction, qui date de 2002, stipule dans son article 2 : « Les hommes et les femmes sont égaux en droit et en dignité en matière de santé reproduction ». La santé de la reproduction, objet de la présente loi, suppose que toute personne peut mener une vie sexuelle responsable, satisfaisante et sans peine.»  

Ainsi, chaque personne a le plein droit de décider de sa vie pour son bien-être.

La planification familiale est l’ensemble des moyens et techniques médicaux ou non mis à la disposition des individus et des couples pour leur permettre d’assurer leur sexualité de façon responsable de manière à éviter les grossesses non désirées, espacer les naissance ou encore avoir le nombre d’enfant désiré au moment voulu.  Aujourd’hui, plus qu’avant, l’utilisation des contraceptifs connait certaines mutations », estime Koné Kadi Diallo, assistante juridique et animatrice à l’ONG Tagnè.

Les religions ne sont pas opposées à l’adoption des méthodes contraceptives. Selon certains religieux et traditionnalistes, discuter de ces sujets en famille ou dans la communauté n’est pas une mauvaise chose. « La planification familiale n’est pas non plus interdite dans l’islam. Car, ne pas espacer les naissances a des conséquences non seulement sur les enfants mais aussi sur la maman », explique El Hadj Mahamadou Haidara dit Imam.

Bien éduqué son enfant, doit être un devoir pour tout parent digne, car les enfants d’aujourd’hui sont les adultes de demain. C’est pourquoi, il est important de parler de certaines choses pour leur éviter de l’induire dans l’erreur à venir », ajoute l’imam.

« Dans un passé récent, l’excision ou la planification familiale ou encore tout sujet touchant à l’intimité de la femme étaient tabous. Mais, aujourd’hui avec l’implication de certaines ONG auprès des acteurs religieux et coutumiers, on arrive à aborder ces sujets au sein de la communauté », indique le Pasteur André Théra.

Moussa, un chef de famille, non moins un adepte de la planification familiale, confie que grâce à l’utilisation des contraceptifs, son couple s’épanoui. « Depuis que je me suis marié, j’ai conseillé à ma femme les méthodes contraceptives pour le bonheur de notre foyer. Aujourd’hui, nous avons deux enfants : une fille de 6 ans et un garçon de 3 ans. Et ma femme est enceinte de notre troisième enfant. L’espacement des naissances est très important et au-delà de l’aspect sanitaire, il a un avantage économique ».

Le planning familial  vise également la prévention et la prise en charge des cas d’infertilité. Au Mali, le concept de planification familiale comprend un ensemble de mesures et de moyens de maîtrise de la fécondité, d’éducation et de prise en charge des effets de la sphère génitale, mis à la disposition des individus pour réduire les mortalités infantile et juvénile notamment celles liées aux infections sexuellement transmissibles aux grossesses non désirées, aux avortements et assurer ainsi le bien-être familial et individuel, selon le Plan International du Mali.

« Mettre sous fer »

Jadis, « mettre sous fer », une fille, pour reprendre l’écrivaine Fatoumata Keita dans son roman Sous fer, avait pour objectif de rendre pure la jeune fille aux yeux de son mari, selon l’imaginaire populaire.

Il viserait à diminuer le désir sexuel de la jeune fille. D’après les constats, 99% des filles et des femmes qui font le travail du sexe dans les pays où les mutilations génitales féminines existent, sont excisées. On n’en serait pas là si l’excision avait le pouvoir de « dompter » les femmes.

Ceux qui pensaient qu’exciser une fille la rend pure et à s’abstenir de toute relation sexuelle avant mariage ont compris, au fil du temps, que l’éducation et l’échange entre mère et enfant vaut mieux. A  ce jour, personne n’a vu les bienfaits de cette pratique, au contraire, elle entraîne des problèmes qui privent les filles de leurs droits.

L’excision a fait  beaucoup de victimes au Mali et dans d’autres pays d’Afrique, soulignent beaucoup d’ONG de lutte contre les mutilations génitales féminines.

« L’excision traumatise la femme sur tous les plans, santé physique, mentale, psychologique et sur la vie quotidienne de la fille et de la femme avec ces nombreuses conséquences. La meilleure des choses aujourd’hui serait l’adoption d’une loi interdisant l’excision au Mali, ce qui faciliterait beaucoup notre travail et l’épanouissement de la femme », lance Koné Kadi Diallo, assistante juridique et animatrice à l’ONG Tagnè.

A l’ère du numérique, pourquoi ne pas briser davantage la glace sur toutes les questions liées aux corps de la femme ?

Ne serait-il pas mieux de voter et d’appliquer une loi portant sur l’interdiction de l’excision des jeunes filles ?

Ne serait-il pas mieux de bien former et bien outiller les prestataires de service de  planification familiale à une approche plus convenable, et sensibiliser toutes les couches sur l’utilisation des méthodes contraceptives ?

Étiquettes
Partagez

Commentaires